Une nuit, un enfant a de la fièvre, vomit et se plaint de son ventre. Le médecin l’examine, s’informe, rassure les parents, puis s’en va. Mais ensuite, une appréhension l’empêche de trouver le sommeil. « J’ai eu peur, témoignera le praticien. Peur de me tromper, d’oublier quelque chose, de ne pas avoir vu ou entendu. Ou de ne pas avoir jugé bon de voir, d’entendre ou toucher. »
La peur du médecin sauve l'enfant
Il n’a sans doute pas assez interrogé ce ventre : après des heures à se le répéter, une fulgurance débloque la situation : « Mais c’est sûr ! Il a une péritonite ! » La peur a réorienté l’investigation.
Ce type d’expériences médicales a poussé le Dr Guy Even à écrire « Les deux têtes du médecin ». L’ouvrage invite à réconcilier les deux pôles qui écarquillent tout praticien : le « scientifique » et l’« humain ». Avec, dans nos sociétés, un déséquilibre à la faveur de du premier. Mais justement, à l’heure où la technique va concurrencer plus que jamais le praticien, son attention au sujet doit plus que jamais occuper la place qui lui revient.
« Je ne voudrais plus jamais avoir aussi mal »
Au lieu de lutter contre ses affects, l’auteur invite à en faire quelque chose professionnellement. En visant cette réconciliation du « pur médical » et de « l’émotionnel », l’ouvrage table sur une « nouvelle clinique », celle de la « subjectivité », de l’attention aux attitudes et aux paroles.
Parce que parfois, un échange hors examen déclenche le bon diagnostic, comme le montre l’histoire d’une forte « gastro » nocturne. Alors que l’examen prend fin, le patient, sourire crispé, demande : « Vous allez me donner un médicament ? » puis expose au médecin circonspect : « Je ne voudrais plus jamais de ma vie avoir si mal. » Cette phrase est un signal d’alarme pour le praticien qui improvise un ECG. Lequel dévoilera un infarctus du myocarde. « Chaque patient fait quelque chose de bien personnel des dysfonctionnements organiques », affirme l’auteur.
Dans la lignée des récents propos d’Agnès Buzyn, l’ouvrage en appelle plus largement à l’empathie, spécifiquement chez le généraliste. « L’âge et la maladie grave placent les personnes dans une extrême dépendance, une sensibilité à fleur de peau » : l’omnipraticien devient un personnage pivot, dont les actes compteront beaucoup.
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