Les « contrats santé solidarité » n’empoisonneront plus les négociations conventionnelles, puisque les députés ont repris à leur compte la fameuse « taxe Bachelot ». En pratique, si les déséquilibres démographiques ne sont pas corrigés dans les quatre ans, les directeurs d’ARS pourront donc passer à la manière forte.
Reculer pour mieux sauter ? Le gouvernement avait demandé aux partenaires conventionnels de trouver des solutions « opérationnelles » et « immédiates » pour lutter contre les déserts médicaux, faute de quoi les députés s’en chargeraient. Mais en dépit des velléités de quelques élus ruraux d’imposer des solutions réellement coercitives (obligation d’exercer quelques années en zones sous-dotées, gel des installations dans les zones surdotées, SROS opposables), les députés ont abouti, la semaine dernière, à une solution de compromis imaginée par le rapporteur du projet de loi, Jean-Marie Rolland.
Ainsi, le « contrat santé solidarité » (www.legeneraliste.fr), assortie d’une taxe pour les récalcitrants, que les syndicats de médecins libéraux ont refusé catégoriquement pendant les négociations, fait son retour. Les députés se sont finalement laissés convaincre qu’il fallait laisser leurs chances aux mesures incitatives. Ils en ont même adopté une nouvelle d’envergure. Ainsi une bourse, d’un montant mensuel de 1 200 euros, financée par l’Assurance-maladie, sera offerte aux étudiants de médecine, dès la 2e année, qui s’engagent à exercer au moins pendant dix ans dans la zone qui leur sera assignée par le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS). En fait, ce dernier devient le véritable organisateur de la démographie médicale, pour le meilleur… et pour le pire. Si trois ans après la mise en place des schémas régionaux de l’offre de soins (SROS) ambulatoires, aucun rééquilibrage n’est constaté, il pourra proposer aux médecins de la région exerçant dans des zones définies comme surdotées par les SROS d’adhérer « à un contrat santé solidarité par lequel ils s’engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé de la population » des zones définies comme sous-dotées. Concrètement, ce service médical pourrait donc être mis en place dans certaines régions et pas dans d’autres, et prendre la forme de vacations dans un cabinet secondaire, de visites dans des maisons de retraite ou de participation à la permanence des soins.
Ce service médical qui vise l’ensemble du corps médical ne sera, en principe, pas imposé à ceux qui ne veulent pas en entendre parler. Pourtant, ceux qui voudront s’y soustraire devront s’acquitter d’une « contribution forfaitaire annuelle » d’un montant maximum égal au plafond de la Sécurité Sociale (soit 2 859 euros). La contrainte fait donc son entrée pour la première fois dans la régulation démographique : la loi offre vraiment aux directeurs d’ARS une très grande latitude pour user de la manière forte. Combien de zones seront-elles "bénéficiaires" des contrats santé solidarité ? Seules les ARS en décideront. Reste que cette mesure n’entrera de toute façon pas en vigueur avant au mieux 2014, un horizon tellement lointain que d’autres dispositions peuvent la remplacer d’ici là. Mais pour la ministre, elle emporte l’avantage de reposer sur « un principe de solidarité intergénérationnelle » et donc d’éviter le divorce avec la jeune génération.
De leurs côtés, les partenaires conventionnels, même s’ils ne veulent pas l’admettre, sont contents de s’être débarrassé de cette patate chaude. Les négociations devraient reprendre dans les tous prochains jours. Le problème est que le marché que Roselyne Bachelot avait conclu avec les syndicats tombe du coup à l’eau. Le troc mesures pour lutter contre les déserts médicaux contre C à 23 euros- n’est plus possible. Mais au moins, les représentants des médecins n’ont plus à assumer la « taxe » contre les déserts médicaux qui était un peu lourde à porter.