On ne peut pas le nier: pour ces législatives, la profession est là ! Sur 6?700 candidats, on compte en effet pas moins de 134 médecins, plus d’un tiers, soit 52, étant médecins généralistes. Ces derniers sont particulièrement présents en Ile-de-France (8 candidats), Franche-Comté (6) et PACA (5); et, à l’inverse, pas du tout en Haute-Normandie, Poitou-Charentes, Alsace et Corse. À première vue, une affinité ressort: sans doute sensibilisés aux problèmes santé-environnement, les généralistes paraissent séduits par le mouvement écologistes : 7 sont estampillés EELV et 6 concourent sous d’autres bannières écolos ! L’UMP est tout de même représentée par 9 candidats. Et les centristes font mieux que les socialistes : 9 candidats (dont 7 Modem et 2 Nouveau Centre) contre 4. Aucun ne se présente sous l’étiquette FN, si l’on excepte une consœur candidate qu’on situerait à la droite... de Marine Le Pen.
Peu de novices
Au-delà des étiquettes, qui sont ces médecins de famille qui s’engagent au point de rentrer en campagne ? Et comment gèrent-ils leur cabinet, leurs consultations, leurs revenus, pendant qu’ils arpentent les marchés ? Voici, en résumé, ce qui est ressorti de nos entretiens avec ces généralistes pas tout à fait comme les autres ! Premier enseignement : parmi les généralistes qui ont accepté de nous répondre, peu de novices. Hormis quelques-uns comme Claude Baudoin qui se présente en Haute-Savoie sous une étiquette d’écologiste indépendant et pour lequel «?c’est une grande première», la plupart d’entre eux ont déjà été candidats aux législatives et/ou aux cantonales.?Le Dr Patrice Bau, généraliste à Beaufort et candidat dans la 1re circonscription du Jura pour EELV ou le Dr Bernard Jomier,candidat dans la 16e circonscription de Paris pour le même parti n’en sont ainsi pas à leur première campagne.
Le Dr Jean-Marie Orihuel, d’Aubagne (Bouches-du-Rhône), centriste et candidat dans la 9e circonscription, est adjoint au maire et gère son emploi du temps de façon militaire en faisant appel à une « remplaçante régulière » pour ne pas fermer son cabinet, tandis que le Dr Ladislas Polski, de La Trinité, qui se présente dans la 7e circonscription du Var pour la majorité présidentielle, et qui adhère au Mouvement républicain et citoyen (MRC), est conseiller régional. Le Dr Philippe Calleja, généraliste à Saverdun, qui se présente pour l’UMP dans la 2e circonscription de l’Ariège, maire, conseiller régional et généraliste en activité, mène campagne en profitant de la proximité de son cabinet, situé à côté de la mairie. En exercice et en lice à Biarritz sous l’étiquette «?République Solidaire?», Jean-François
Zunzarren n’a pas cessé de travailler, hormis pour cette dernière semaine de campagne. Une semaine de « vacances », si l’on veut... car bien entendu, ces libéraux qui font campagne ne perçoivent aucune indemnité pour absence...
Des patients compréhensifs
Pour tout mener de front, il n’y a pas de secret. L’idéal, quand on est généraliste en politique est de travailler en cabinet de groupe, comme le Dr Calleja, ou, à défaut, de faire appel à un remplaçant, comme le Dr Orihuel. Les deux associés du Dr Polski « prennent le relais » quand il est en campagne. Mais, à ses dires, « les patients ne (lui) tiennent pas rigueur » de ses absences régulières : deux jours par semaine sont consacrés à son activité politique, trois en période de campagne électorale. Au contraire, la plupart de ses patients verraient son engagement politique « d’un œil bienveillant » ou, tout au plus « avec indifférence », selon lui. Comme c’est le cas pour le Dr Polski, beaucoup de généralistes assurent, par souci de déontologie, cloisonner vie politique et vie professionnelle en s’interdisant d’improviser des mini-meetings entre les murs du cabinet. Pas question donc de profiter de la confiance qui s’instaure entre le généraliste et son patient pour appeler à voter pour eux. Le Dr Beau affirme, par exemple, « changer symboliquement de veste » avant de se rendre aux réunions publiques !
Et s’ils étaient élus députés, la plupart de nos généralistes jurent d’ailleurs qu’ils continueraient d’exercer. À vrai dire, l’hypothèse ne tracasse pas trop l’UMP Philippe Calleja, candidat en Ariège, «?le département le plus socialiste de France?», d’après lui. Pour les autres, ceux qui sont déjà élus locaux expriment le même souhait : rester médecin pour garder un pied dans la réalité. C’est le Dr Polski qui le dit. Son confrère, Christian Hutin, généraliste à Saint-Pol-sur-Mer et candidat dans la 3e circonscription du Nord pour le MRC de Chevènement, le confirme. Maire de la ville où il exerce, son activité, limitée à deux matinées par semaine, « ne (lui) permet pas de couvrir (ses) charges ». Ce n’est pas grave, ce qui compte pour lui, c’est qu’elle lui « permet d’être en relation permanente avec la réalité ». « Quand je suis au cabinet, le lundi et le vendredi matin, c’est comme si je vivais dans un sondage d’opinion ! » À croire que le porte à porte, la distribution de tracts, les rencontres avec les associations d’étudiants ou de retraités, tout ce trop-plein d’activité en période de campagne, ne lui suffirait pas pour connaître les problèmes des vrais gens : « Comment pourrai-je intervenir dans une loi sur le logement, si je n’ai jamais été confronté à ce type de pro-blème ? », s’interroge-t-il.
Le Dr Gilles Lazar, généraliste à Héricourt et candidat dans la 2e circonscription de Haute-Saône pour le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon (FG), exerce dans une ville populaire avec un taux de chômage élevé. Il est chaque jour confronté à des patients qui n’ont pas de mutuelle ou qui se plaignent des files d’attente aux urgences : pour lui, « la médecine générale est le lieu parfait pour faire un diagnostic de l’état de santé de la société ». Le Dr Alain Laffont, qui a créé son parti « À gauche à 100 % » soutenu par le NPA, conseiller municipal de Clermont-Ferrand, est candidat cette fois dans la 1re circonscription du Puy-de-Dôme. « Si je suis élu, je travaillerai à mi-temps. Médecin est le plus beau métier du monde ! », s’enthousiasme-t-il. Pour lui, député ne rime pas avec parachute doré : « J’ai 65 ans et aucune envie de partir à la retraite ! » Le Dr Laffont, « des quartiers Nord?», comme il aime se faire appeler par ses soutiens y croit dur comme fer : « La médecine est faite pour soigner, pour soulager. La politique, c’est la même chose ! » Ni le Dr Laffont, ni le Dr Hutin ne sont syndiqués. Cela peut paraître paradoxal mais, parmi les généralistes engagés dans la course au Palais Bourbon, engagement politique et militantisme syndical ne vont pas toujours de pair.
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