Alors que la Première ministre britannique Theresa May vient d'annoncer sa démission, après avoir fait face à un nouveau report du vote de son projet de loi sur le Brexit, Le Généraliste a demandé aux médecins Français exerçant au Royaume-Uni comment ils vivent le climat d'incertitude qui règne outre-Manche.
Preuve des tensions liées au Brexit, la plupart des médecins contactés par la rédaction, notamment ceux qui exercent au Royaume-Uni à temps plein, n'ont pas donné suite à nos sollicitations. D'autres ont décliné, invoquant un sujet « trop stressant » à aborder. Deux généralistes français, les Drs Franck Chaumeil et Maxime Balois, tous deux membres du syndicat UFML-S, ont toutefois accepté de raconter comment ils vivent le Brexit de l'intérieur. Ils exercent la médecine générale chacun quatre jours par mois au London international medical center, située dans le quartier Harley Street, une sorte de vacation à l'étranger que les deux médecins considèrent comme un choix militant.
Le système anglais repose sur les médecins étrangers
[[asset:image:12889 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]« C'est une bulle d'oxygène. On peut fixer nous-mêmes nos tarifs et prendre le temps pour nos patients avec des consultations de 30 minutes » explique le Dr Chaumeil (contre 18 minutes en moyenne en France, NDLR). « L'exercice en France est devenu d'une pénibilité assez incroyable avec un nombre de consultations très important qui ne permet plus de faire de la qualité » abonde le Dr Balois. Ce dernier, qui exerce par ailleurs à Ronqs, près de Lille, se verrait bien passer plus de temps en Angleterre. Mais l'imprévisibilité du Brexit l'empêche pour l'instant de l'envisager. « L’objectif pour moi est de réduire mon activité en France et de faire moitié-moitié. Mais pour l'instant, le Brexit se fait en pointillé. On est dans l’expectative et on attend de voir ce que donneront les négociations entre le gouvernement et la commission européenne » confie Maxime Balois.
Les deux généralistes ne semblent toutefois pas angoissés du sort qui leur sera réservé. « Le Royaume-Uni est de toute façon très dépendant de l’apport des médecins étrangers. On peut donc penser sans être trop inquiets qu’il y aura toujours un accord pour que les médecins puissent exercer en là-bas », poursuit le Dr Chaumeil. Le Royaume-Uni compte en effet historiquement un nombre très important de médecins étrangers. En 2016, ils étaient 19 000, soit 8 % de la totalité des praticiens du territoire selon le General medical council (GMC), équivalent de l'Ordre des médecins français au Royaume-Uni.
Menace d'une baisse du nombre d'"expats" français
[[asset:image:12891 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Une des inquiétudes du Dr Chaumeil est plutôt que le Brexit fasse fuir une partie des expatriés français. L'ambassade de France à Londres estimait en 2018 quelque 300 000 français vivent au Royaume-Uni. Les Français représentant la moitié de la patientèle du Dr Chaumeil en Angleterre, le choix de partir pourrait ainsi compromettre l'activité des deux praticiens. Le Dr Balois s'interroge pour sa part sur le visa qui pourrait être exigé à la suite de la sortie définitive de l'Union européenne. « Une contrainte en plus » déplore le généraliste.
Les organismes de santé locaux se veulent toutefois rassurants auprès des médecins. Le GMC avait fait parvenir un courrier aux médecins français, un mois après le référendum, en juillet 2016. « Le vote de sortie de l’Europe ne devrait pas se répercuter sur le statut des médecins européens qui exercent au Royaume-Uni. (...) Nous nous assurerons que les patients britanniques ont une protection médicale solide et que les médecins soient informés » assurait l'institution. Mais depuis, selon les Drs Chaumeil et Balois, silence radio du GMC. Plus récemment, le vice-président du Royal College of GPs (équivalent britannique du CMG) Michael Holmes, avait réaffirmé lors du Congrès de la médecine générale (CMGF) son souhait de « maintenir et construire la relation avec les collègues de France, du reste de l'Europe et du monde, quoi qu'il arrive avec le Brexit ».
Quid de la reconnaissance des diplômes hors UE ?
Le Dr Chaumeil reste optimiste sur son avenir au Royaume-Uni : « On peut toutefois penser que les Anglais feront le nécessaire pour avoir une dérogation. Il n'y a qu'en cas de Brexit dur que le conseil de l’Ordre français serait peut-être amené à nous demander de choisir. En l'état actuel, un médecin français peut travailler à temps partiel dans un autre pays de l’UE, pas en dehors. » Interrogé sur ce point de réglementation, le conseil national de l'Ordre des médecins français (Cnom), sollicité par Le Généraliste, n'a pas souhaité répondre, estimant « qu’il est prématuré de se prononcer sur le devenir des reconnaissances mutuelles des diplômes entre la France et le Royaume-Uni » .
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